mercredi 3 août 2016

FIN DE L'HISTOIRE


Francis Dusserre vient de me prendre des mains le clavier pour vous écrire lui même sa vision du message des Amazones  de Palomita. Comme moi il a apprécié le travail théâtral (adaptation, conception, mise en scène) de Béatrice Barnes, il veut parler maintenant du "message" de Palomita.
J'en profite pour rappeler que ce BLOG peut être interactif, à vous d'y laisser vos commentaires.

Paul Charles.   

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Le retour des hommes.

Maintenant il n’est plus nécessaire de ménager le suspense.

Maintenant on  peut révéler la fin de la pièce: les hommes reviennent au village.

Ils rentrent vaincus, épuisés, ayant perdu illusions et honneur.    Les enrôlés de force (les « malgré nous ») ont fini par fraterniser avec les guérilleros, fraterniser au sens propre c’est-à-dire devenir frères dans la défaite et la honte. (Syndrome de Stockholm, fraternité des armes ou de l’épreuve ?)

Le premier accueil des femmes est un élan, un temps de tendresse qui ne présage rien de l’avenir, ce ne sont que quelques gestes instinctifs.

Arrive Cléo, celle qui, par la voix et la stature, dirige le village.    C’est elle qui brise l’élan d’un rapprochement hommes-femmes. Les hommes ne rentrent pas dans « leur maison », « chez eux » ils sont regroupés dans un local communal, hommes du village et guérilleros confondus. Ils parlent entre eux ; devant la nouvelle situation  chacun retrouve son caractère :

Les hommes sont partagés et l’expriment.

 - Alfonso est prêt à assumer tout ce qu’il a fait, il accepte l’amnistie pour continuer sa «  vie d’homme », refuse tout changement, pour lui la guerre n’a rien changé ce ne fut qu’un intermède; illusion. Il préfère revivre ailleurs que de changer de vie dans son village. Il est le seul à refuser la Palomita des femmes alors il part, mais il part en criant « Traitres, Voleurs…" 
                  En berrichon comme en anglais,  « crier » ou « to cry » c’est pleurer, Alfonso part en pleurant et au fil des représentations en pleurant plus qu’il ne crie.  

- César, comme avant son départ, reste sur  l’idée d’une possibilité de partage entre femmes et hommes ; partage des responsabilités et du travail.

- Le Maire rentre encore plus fatigué qu’à son départ lui qui préférait déjà jouer aux dominos plutôt que d’assumer son rôle de magistrat n’a qu’une envie c’est de se reposer ; les femmes gouvernent eh bien tant mieux, ce sera ça de moins à faire, le village n’est pas plus mal tenu qu’avant quand il était sous la direction d’un incapable, pourquoi se fatiguer ? Si Rosalba veut bien lui laisser un petit coin où il puisse rejouer aux dominos avec Eusebio c’est tout ce qu’il demande. Le seul ordre qu’il est capable de donner, c’est de dormir.

- Eusebio a déjà connu une transplantation et la nécessité d’oublier une histoire dont il a été la victime, les victimes se taisent très souvent. Il est prêt à se transplanter à nouveau dans la nouvelle Palomita.

- Alberto est sans doute le seul qui tout en déclarant ne pas être convaincu par la nouvelle Palomita est prêt à y vivre parce que ce sera avec sa femme. Amour ? Reconnaissance de ce qu’elle a su faire en son absence ?

On peut imaginer que les femmes se sont regroupées aussi pendant la nuit, elles ont parlé ou ont écouté Cléo ?

A l’aube, ce sont elles qui apportent le verdict aux hommes à peine réveillés. L’aube est propice à ce genre de choses. Les femmes sont claires avec les hommes : inutile de parler voici les conditions de votre reddition.

Palomita a changé. Il n’est plus question de revenir à Palomita 1 , il n’est pas non plus question d’envisager une Palomita 3 construite avec les hommes. Le seul choix, c’est Palomita 2  ou la valise, un point c’est tout.

Les hommes choisissent de rester ou de partir en pleurant.

Arrive le miracle.                                                                                                                                                                               Au   village sans hommes, un enfant naît par la grâce  « du vent des papillons jaunes ». 
                                                                                                         

Palomita n’a plus besoin des hommes, même pour procréer.

                                                                                                             
Toutes les manœuvres naturelles ou archaïques pour perpétuer l’espèce (comme le recours au Père Raphaël) sont devenues inutiles.

 
Apollon - Athènes                    F.D
 
 
 


 Les hommes au banquet - Paestum .                     F.D





BONUS : Conclusion personnelle de Francis Dusserre

Cécilia a raison de ne pas croire au miracle.
Le vent des papillons: ce sont les manipulations génétiques et  les utérus artificiels;
C'est la fin d'une société sexuée, l'arrivée du troisième sexe, on va "être humain" mais des humains enfin sans sexe ou plutôt avec deux sexes, les deux à la fois, voués au seul exercice du plaisir déconnecté de la procréation...Mais ça c'est la thèse, l'espoir d'un certain James Canon auteur de "Dans la ville des veuves intrépides"...
Les Amazones de Palomita ne vont pas si loin, elles ne sont même pas de pures féministes. Leur féminisme n'est que le rejet de la société occidentale, leur opposition aux hommes n'est due qu'au rejet de ceux qui sont censés avoir construit cette société, comme si les femmes n'avaient pas participé à cette construction.

La Palomita idéale c'est le rêve de nos années "70", les communautés sur le Larzac, l'autosubsistance et les cultures vivrières pré-écologiques, l'uniformisation de "l'Ensemble" maoïste et l'espoir que, de ce que l'on appelait encore le tiers monde,  viendrait enfin le salut pour un monde occidental coupable et responsable de toutes les misères du monde.  


Et pour la sexualité. Autre question majeure des "70".
Sexualité collective, "peace and love", soviet des prostituées où le très maoïste "pas le temps pour le sexe" ?
Et l'amour ?
Le seul vrai amour exprimé est celui de Paolo et Julio.
La guerre des sexes autorise-t-elle des fraternisations?
Qu'en pense le commissaire politique Cléo ?
Que vont devenir Lucia et César ?

On repart avec toutes ces questions, mais c'est une bonne chose de les avoir posées.

Francis Dusserre
 
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Prochain rendez-vous Mercredi 10 août....
 
Paul Charles


 

1 commentaire:

  1. Pour comprendre, il est nécessaire de ne pas occulter la progression par laquelle Palomita est parvenue à une société idéale.

    A Palomita, Rosalba, conseillée par son adjointe Cléo, va tout d'abord, dans cette direction. Les habitantes lui reprochent de faire des listes des choses à faire et de procéder par décisions comminatoires. En effet, Rosalba cherche à reproduire une organisation (celles des hommes) telle qu'elle l'a vécue.
    Les palomitaines rejettent rapidement ce fonctionnement par survie. Elles veulent quitter le village dont l'organisation devient invivable sous le joug de Rosalba et de son commissaire politique.

    Elles procèdent par entraide et coopération de leurs forces de travail sans pour autant collectiviser la propriété individuelle. C'est la coopération qui est leur principal objectif. Elle devient la clé de leur vie.

    Elle a pour conséquence progressive un changement dans l'organisation de leur société. Mais en aucun cas, ce ne fut leur objectif premier. Ce que tu nommes : « l'uniformisation de "l'Ensemble" maoïste ».

    Il faut donc voir qu'à Palomita, le cheminement vers une nouvelle organisation.
    Mao, le grand timonier visionnaire (dixit VGE) a occulté cette lente progression. N'utilise-t-il pas le terme de « révolution ...culturelle » qui nécessite de brutaliser les consciences des individus.
    Les politiques à l'échelle de la Chine ont utilisé la force pour donner la liberté à un peuple. La dictature du peuple passe par la dictature d'un parti, qui ayant goûté au pouvoir ne le remet pas au peuple.

    Aussi, le message délivré par la pièce, a le mérite de montrer une évolution.

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